Dans l’Entreprise, la motivation doit se lire au travers d’une grille de lecture qui doit être dissociée de la rémunération. La motivation, c’est cette énergie puissante qui anime des individus et des groupes, qui les conduit à réussir des choses dépassant les capacités communes de « gens ordinaires ». Pour un grand nombre de personnes, l’argent apparaît comme un facteur essentiel de leur adhésion et de leur motivation. Ce n’est pas le cas. Déjà en 1947, Frédéric Herzberg – auteur d’une théorie qui lie la motivation au travail à deux facteurs : la satisfaction et l’insatisfaction – affirmait : « L’argent ça démotive sûrement mais ça ne motive pas. »
Toute situation ou activité provoque toujours un certain niveau de frustration lié à la situation elle-même. Ce peut-être le froid, le chaud, le bruit, les agressions de toutes natures. Elle apporte également des satisfactions liées à l’activité ou à la considération qui s’y rattache. Lorsque les satisfactions sont supérieures aux frustrations, il y a de l’énergie disponible, donc du plaisir, et ce plaisir vient essentiellement de la relation positive. Les individus « marchent » aux compliments, aux encouragements. Le relationnel prime le factuel. Si pour l’individu, les faits rapportent des compliments et de la considération en plus : il gagne. Donc il continue de jouer. Si les faits rapportent des reproches ou de la suspicion en plus : il perd, donc il fuit. Tous les êtres humains réagissent pareillement.
La notion de l’argent varie
En fonction du seuil de consommation, l’argent a des rendements motivationnels plus ou moins forts. Lorsque les besoins primaires ne sont pas assouvis, l’argent est une denrée vitale et devient le premier critère de la motivation. Lorsqu’on débute dans la vie ou dans l’entreprise, la rémunération est un symbole de compétence. Lorsque l’individu est installé et que l’aspect financier est en cause, celui-ci devient symbolique car pris comme un signe de réassurance, de reconnaissance. Mais pas de remotivation. Un salaire mal redistribué démotive mais un salaire bien redistribué ne motive pas à lui seul. Si nous croyons que seul l’argent motive, nous serons vite déçus. Et pour longtemps.
Il ne faut pas demander à l’argent ce qu’il ne peut pas donner. Si je n’éprouve pas de plaisir à dessiner, ce n’est pas plus d’argent qui me fera mieux dessiner. Si je n’ai pas de satisfaction à vendre, ce n’est pas une plus grosse prime qui me fera mieux vendre. Si les commerciaux n’ont pas d’appétit à se battre pour des produits et pour l’entreprise, ce n’est pas l’argent qui les motivera. Les commissions en feront des mercenaires, le mercenaire étant celui qui met son métier au service d’une cause mais aussi au service de sa cause. Alors ils vendront pour eux-mêmes et non pour l’entreprise. Et quand on les licencie, ce qui arrive tôt ou tard, on découvre dans le placard des tonnes de cadavres.
Une redistribution équitable nécessaire
L’argent n’est en fait qu’un accélérateur de motivation, non un moteur mais un turbo. Si, profondément, les salariés n’éprouvent pas de contentement à travailler dans l’entreprise, gagner davantage ne leur donnera pas plus de satisfaction. De même, si les gens réalisent qu’on ne répartit pas avec équité le fruit de leurs efforts, s’ils découvrent que les discours managériaux ne sont que des mots pour mieux les tromper, alors ils seront démotivés pour longtemps. Les bénéfices de l’entreprise performante sont incontestables à condition qu’ils soient redistribués à chaque acteur. Si l’entreprise ne sait pas restituer de manière équitable à ses collaborateurs une partie de l’argent gagné ensemble, elle les trompe. Ils se sentent abusés, négligés, abandonnés, trahis. C’est un conflit de considération, de dignité. L’argent que l’on gagne est le symbole de la plus-value qu’on apporte à l’entreprise.
En vérité, l’argent est un élément authentificateur quand les salariés voient que les paroles dirigeantes sont suivies de faits, qu’elles ont un poids réel au même titre que les compliments. L’argent est l’un des facteurs qui accrédite, crédibilise le discours managérial, mais il ne fabrique pas la motivation. Aujourd’hui, le personnel en entreprise est demandeur de plus de sens, de bien-être, de projets, de compétences, d’autonomie et de pouvoir de décision. L’argent doit survenir pour parachever le système.
#L’entreprise inspirante
L’auteur
Jean-Noël Gaume est auteur et conférencier, spécialiste du Management Haute Performance. Passionné par le monde de l’entreprise comme celui du sport de haut niveau, inventeur du management réconciliateur, il est adepte, pour partie, de l’entreprise libérée sans pour autant souscrire, dit-il, « aux élucubrations de ceux qui prônent cette libération sans véritables stratégies rationnelles d’instrumentation. »
Il a été aussi dirigeant de plusieurs sociétés. Il a reçu le Prix de la meilleure gestion d’entreprise remis par le Ministre des Finances, Chargé par le Ministre de l’Industrie de la restructuration industrielle, co-fondateur d’ORGAMA, Directeur Délégué National du CRECI, conférencier, consultant, Jean-Noël Gaume est intervenu auprès des plus grandes entreprises et dans tous les secteurs d’activité.
« Pour performer durablement, l’entreprise doit fermer une porte derrière elle définitivement et en ouvrir une autre. Elle doit sortir de la dictature du « ou » pour entrer dans l’obligation du « et » en réconciliant simultanément les intérêts de l’entreprise et les intérêts des personnels, le travail et le plaisir, l’argent et le bien-être, l’engagement professionnel et la qualité de vie personnelle. »
L’Entreprise Inspirante, récemment publié aux éditions KAWA. 224 pages. Prix : 23 ,95